Pendant vingt ans, j’ai été agricultrice, les mains ancrées dans cette terre qui m’a tout donné. Puis j’ai transmis l’exploitation à mes enfants. Mais avant de savourer une retraite bien méritée, un rêve me tenait à cœur : celui de cultiver un jardin, en maraîchage, et d’aller à la rencontre des gens sur les marchés.

Ce que j’aime profondément dans cette nouvelle vie, c’est le lien intime avec la terre du Mézenc. Une terre noire, souple, légère, presque sablonneuse, sans argile, une terre vivante, généreuse, comme une promesse renouvelée à chaque saison. Travailler cette terre, c’est aussi renouer avec mon enfance.

Sur les marchés, quand on me demande « un beau légume », j’ai toujours envie de répondre : « Ce qui compte, c’est le goût. » Et ce goût, c’est le fruit d’un respect : celui de la terre. Je la cultive sans artifices, seulement avec du fumier, rien d’autre. C’est une question de cohérence, mais aussi de passion, une passion enracinée depuis toujours.

Parmi toutes les plantes que je cultive et que j’aime, il en est une qui me touche tout particulièrement : la cistre, qu’on appelle aussi le fenouil des Alpes. Elle pousse ici, sur nos hauteurs, avec cette fraîcheur d’altitude si particulière. Je l’utilise souvent en cuisine, fraîche ou séchée, pour sa graine au parfum unique.

Mais si je devais ne retenir qu’un seul légume de ma mémoire, ce serait la pomme de terre. Ma madeleine de Proust. C’est le goût de mon enfance, celui de nos repas partagés, simples et chaleureux. Et de ces souvenirs, il me reste une recette précieuse : la pomme de terre à la cloche, transmise par ma grand-mère. Un plat rustique et savoureux, à la fois ardéchois et de Haute Loire, fait de lardons, d’oignons, de vin blanc, d’herbes, de pommes de terre en lamelles, le tout doré au four avec une touche de beurre. Simple, et pourtant si délicieusement vrai.

Ce que je vis aujourd’hui, c’est une vie simple et tranquille, au cœur de la nature. Entourée des oiseaux, des papillons, du vent dans les feuillages. Être là, sur ce plateau du Mézenc, c’est pour moi, presque toucher au paradis (rires). C’est cela, ma passion : le jardin, la montagne, la vie au rythme des saisons.

Enfin, si j’ai une pensée pour demain, c’est celle de l’eau. Nous les anciens, nous l’avons connue abondante, mais je crois qu’aujourd’hui elle devient précieuse. Avec le réchauffement, elle se fera plus rare. Alors j’espère que les jeunes prendront le relais avec la même sagesse que leurs aînés, en chérissant cette ressource, en protégeant cette montagne magnifique, si chère à mon cœur. Je leur fais confiance et je sais qu’ils l’ont compris.

Roselyne CHAPELLE – présente sur les marchés de